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La Cour européenne des droits de l'homme rend des décisions historiques en matière de changement climatique
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Client Alert 30 avr. 2024
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Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l'homme (la « CEDH ») a rendu trois décisions sur les obligations des États parties à la Convention européenne des droits de l'homme (la « CESDH ») en matière de changement climatique. Deux des requêtes (Agostinhono c. Portugal et Carême c. France) ont été jugées irrecevables en raison du non-épuisement des voies de recours internes et de l'absence de qualité de victime, respectivement, tandis, qu’un jugement en faveur des requérants qu'une troisième affaire, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz c. Suisse (Requête n° 53600/20). Considérées conjointement, ces affaires démontrent que les litiges environnementaux constituent désormais une réalité dans les systèmes juridiques nationaux européens et devant la CEDH. L'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz c. Suisse, qui est la première affaire introduite sur la base d'une actio popularis, pourrait ouvrir la voie à des litiges similaires en Europe visant à établir les obligations positives des États parties à la CESDH ayant traitau changement climatique.
Dans l'affaire Agostinhono c. Portugal et 32 autres (Requête n° 39371/20), la Grande Chambre de la CEDH a estimé que la requête relative au changement climatique était irrecevable au motif que les six jeunes requérants portugais n'avaient pas épuisé les voies de recours internes en matière d'environnement au Portugal, y compris en vertu de sa constitution. Compte tenu de l’exhaustivité des voies de recours internes, la CEDH a noté que la jurisprudence portugaise démontrait que les litiges environnementaux étaient désormais une réalité de l’ordre juridique national et qu'il n'y avait par conséquent aucune raison d'exempter les demandeurs de l'obligation d'épuiser les voies de recours disponibles en droit interne.
Dans l'affaire Carême c. France (requête n° 7189/21), la Grande Chambre de la CEDH a décidé que la plainte relative au changement climatique déposée par l'ancien résident et maire de la commune de Grande Synthe en France était irrecevable à défaut de qualité pour agir. La Cour a estimé que le requérant n'avait pas la qualité de victime au sens de l'article 34 de la CESDH. Bien que le requérant se soit ait agi en sa qualité de maire de ladite commune en 2018, la Cour a estimé que ce dernier n'avait plus la qualité de victime au sens de l'article 34 de la Convention car il ne vit plus à Grande Synthe (ni ailleurs en France) et n'a plus de lien suffisamment pertinent avec Grande Synthe, nonobstant le fait qu'il soit citoyen français ou ancien résident.
En revanche, une décision a été rendue en faveur des requérants dans l'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz c. Suisse (Requête n° 53600/20). La CEDH a conclu à une violation de l'article 8 de la CESDH ayant trait au droit au respect de la vie privée et familiale et de l'article 6.1 de la CESDH en ce qui concerne l'accès à la cour. La CEDH a estimé que l'article 8 de la CESDH englobe le droit à une protection effective par les autorités de l'État contre les effets néfastes du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie. La CEDH a estimé que les États ont l'obligation positive de prendre des mesures pour réduire substantiellement et progressivement leurs niveaux d'émissions de gaz à effet de serre en vue d'atteindre la neutralité carbone au cours des trois prochaines décennies. Afin d’éviter de faire peser une charge disproportionnée sur les générations futures, les États sont tenus d’édicter des mesures législatives immédiates au niveau national pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La CEDH a estimé que les autorités suisses ne s'étaient pas acquittées de cette obligation.
L'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz fait date dans la mesure où elle conclut à l'existence d'une obligation positive d'agir pour les États. Peu de traités codifient des obligations positives d'agir et, en général, ils ne le font que lorsque des vies humaines sont en jeu. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, par exemple, impose aux capitaines de navires de prêter assistance et de secourir les personnes en détresse. Les conventions de Genève de 1949 exigent des États parties qu'ils respectent et fassent respecter les conventions par les autres États en toutes circonstances durant un conflit armé. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques exige des États non seulement qu'ils s'abstiennent de violer les droits humains fondamentaux, mais aussi qu'ils assurent la protection de ceux-ci contre les violations d'autres acteurs. La caractérisation d'une obligation positive d'agir dans l'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz est donc révélatrice du poids que la CEDH a accordé au changement climatique et à son potentiel d'impact grave et négatif sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie.
Les trois affaires relatives au changement climatique portées devant la CEDH témoignent d'une recrudescence des litiges environnementaux intentés non seulement à l’encontre des États, mais aussi contre des entreprises. Le Programme des Nations unies pour l'environnement a récemment indiqué que les litiges climatiques contre les entreprises, les municipalités et les États ont plus que doublé au cours des cinq dernières années. Ces affaires ouvrent probablement la voie à d'autres litiges devant la CEDH, en particulier à l’aune de la législation européenne relative au Green Deal à venir.
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